Lettre à Anna
Le 7 octobre 2006, jour anniversaire de Vladimir Poutine, Anna Politkovskaïa est exécutée dans l’ascenseur de son immeuble. Elle venait d’apprendre qu’elle serait bientôt grand-mère. Sa mort est un drame personnel et familial, mais aussi un acte politique. Comment se fait-il que cette belle femme, toujours engagée du côté des faibles et des laissées pour compte, ait été froidement abattue par des tueurs à gages ? La raison en est-elle son combat pour la justice et contre la guerre en Tchétchénie, qui a marqué sa vie ? ANNA P. est à la fois un portrait intime et un film politique.
Revue de Presse
Coca: La colombe de Tchétchénie
Ses parents l’appelèrent « Coca » – la colombe. Sainap Gachayeva est née en exil, au Kaskhstan. Devenue femme d’affaires, elle éleva ses quatre enfants. Depuis 1994 elle documente les maux que son pays subit au quotidien: les enlèvements, la torture, les meurtres.
Ce que le président Poutine nomme « une action antiterroriste » a pris les traits d’un génocide. Près de trente pour cent de la population tchétchène pourraient avoir péri dans cette guerre. Le monde se tait, par ignorance, impuissance ou opportunisme.
Sainap et ses amies de combat ont caché des centaines de cassettes vidéo. Elle a décidé de les transférer en Europe occidentale: Elle espère en un tribunal qui punirait les coupables, de quelque bord qu’ils soient. Se bat-elle contre des moulins à vent?
…un document indispensable alors que l’occident ferme les yeux sur cette sale guerre de « normalisation », voire d’extermination, et laisse Poutine prendre la présidence du G8 en juin prochain.
Le Canard enchaîné LA PREUVE PAR L’IMAGE
Coca, la colombe de Tchétchénie
Réalisé par Éric Bergkraut
Cinéaste suisse, Éric Bergkraut s’intéresse au conflit tchétchène à travers l’histoire d’une femme exceptionnelle, Zainap Gashaeva, économiste de profession qui, depuis 1994, filme les atrocités commises par l’armée russe, et continue de faire des allers retours entre l’occident et la Tchétchénie, oeuvrant sans relâche afin que le monde entier prenne conscience de l’horreur de cette guerre que les états démocratiques européens semblent vouloir ignorer.
Comment juger un tel documentaire quand le but du cinéaste et de la personne qu’il filme est tout simplement de faire prendre conscience au monde entier qu’en Europe, aujourd’hui, a lieu ce que certains considèrent comme un génocide ? Et que ce génocide est perpétré par un État soit disant démocratique, dont la président marche bras dessus bras dessous avec les chefs de gouvernement des démocraties occidentales, dont la France.
Comme il y a quelques semaines avec Grizzly man de Werner Herzog, un cinéaste s’intéresse à un individu qui a lui même fait des films en vue de défendre une cause. Dans les deux cas, le cinéaste incorpore les images faites par la personne, mais pas pour les mêmes raisons : Herzog s’intéressant à l’individu là où Bergkraut cherche véritablement à rendre compte du conflit à travers le combat de cette femme. Les images des atrocités filmées par Zainap Gashaeva sont d’une violence rare, d’une brutalité extrême, car cette femme ne cherche surtout pas à dissimuler quoique ce soit, souhaitant être au plus près de l’horreur, n’hésitant pas à zoomer de manière on ne peut plus brutale sur le cadavre d’un enfant, sur le corps d’une femme morte, mutilée après avoir été violée. Quand il nous montre ces plans, le cinéaste coupe le son : ni commentaire, ni musique, ni même les sons originaux, c’est à dire ceux de l’image que nous voyons. Il cherche alors à nous laisser nu face à l’horreur ; plus rien ne viendra parasiter la vue du spectateur confronté à l’innommable, et certaines personnes présentes à l’avant première détourneront le regard, ne pouvant supporter de telles visions. Ces images et ces moments muets sont un moyen de mettre véritablement le nez dans l’horreur, en utilisant la manière forte, optant consciemment pour un réveil brutal des consciences.
On le comprend, le but de l’image, qu’elle soit photographique ou cinématographique, est, grâce à son procédé d’enregistrement mécanique du réel, de fournir des preuves et des pièces à convictions en vue de montrer au monde l’horreur du conflit et espérer ensuite qu’un tribunal international s’empare de ce matériau et juge les responsables en s’appuyant sur ces documents. Mais jusqu’à quelle mesure ces documents peuvent-ils avoir une valeur juridique et être véritablement à même d’illustrer et de démontrer la culpabilité des bourreaux ? Voilà une question que l’on peut se poser. Car cette femme, armée de son courage, ne semble avoir comme unique arme que cette petite caméra DV qu’elle traîne constamment avec elle. Le cinéaste s’attache alors à ces documents comme s’il s’agissait de l’unique recours qu’ont les tchétchènes. Il suit le travail de cette femme, nous montre les vidéos, les photos, les négatifs, et la façon dont ils sont collectés, cachés, entretenus, sauvés, comme des objets sacrés d’où jaillira peut-être un jour la vérité.
Mais en attendant ce jour, cette femme s’active, erre dans les sphères politiques européennes et tente désespérément de faire entendre sa voix, sans baisser les bras face à l’indifférence qu’elle rencontre. Mais de toute façon, peut-on être découragé quand c’est la vie de son peuple qui est en jeu, et que l’on est confronté à l’éventualité même qu’il soit purement et simplement rayé de la carte. Cette femme a aussi conscience qu’étant donné l’ampleur qu’a pris le conflit, l’horreur existe des deux côtés, tout en restant, selon ses propres mots, « 150% russe et 100%tchétchène ». Car il est certain que le sort d’un soldat russe fait prisonnier par des soldats tchétchènes n’est pas plus enviable que l’inverse. Mais l’horreur quotidienne pointée du doigt par le film est surtout celle infligée aux civils innocents, femmes et enfants, ainsi que le nombre vertigineux des disparitions d’hommes arrêtés par l’armée russe. Ces hommes, dans les meilleur des cas, sont rendus à leur famille en échange d’une rançon, ou sont tout simplement éliminés.
Manque alors, peut-être, afin d’avoir une compréhension plus approfondie des causes du conflit, ce que l’on peut appeler le point de vue du bourreau. Le seul membre du gouvernement Poutine à prendre la parole ne dira que deux mots pour expliquer les causes du conflit et justifier ainsi la politique menée : terrorisme international. Car depuis 2001, l’administration Poutine a une bonne excuse pour justifier son action, qui a pourtant commencé en 1994, en considérant que Ben Laden, Al Quaida, le 11 septembre et ce qui se passe en Tchétchénie sont du même ordre. Là dessus, le documentaire est clair et condamne haut et fort le terrorisme islamiste, rappelant que cette radicalisation est consécutive aux exactions des russes, que eux seuls sont responsables de l’orientation religieuse de certains combattants tchétchènes. Un jeune homme réfugié en Suisse rappelle que l’islamisation de la Tchétchénie est quelque chose de nouveau, que les russes ont crée ce monstre, et que le rôle croissant de ces milices islamistes dans le conflit est condamné par les tchétchènes qui ont encore un minimum de sang froid. Car le désespoir a poussé de nombreux combattants et civils dans les bras des fanatiques religieux qui se sont emparés en cours de route du conflit.
Enfin, dans le débat suivant la projection, André Glucksmann, qui n’a pas manqué de saluer la présence de Claude Lanzmann dans la salle, appelle à une mobilisation d’ici juin, date où le prochain sommet du G8 sera présidé par... Poutine en personne. Selon lui, si personne ne conteste cela, si l’on continue à parler avec Poutine de cette façon, c’est à dire en le considérant comme un simple chef d’état, la Tchétchénie en prend pour 20 ans, et il n’est alors pas exclu d’envisager la disparition pure et simple de ce peuple.
Florian Guignandon, KRITIKAT/Magazine de cinéma francais
Elle a un regard triste, un pauvre fichu et une volonté d’acier. Quand elle entend le récit d’une exaction, ses yeux se brouillent. Mais quand elle plaide devant des représentants de l’Europe immobile, la colère durcit sa voix chantante. Depuis dix ans, Zainap Gashaeva fait un travail modeste et immense. Fourmi de la vérité, elle recueille tous les témoignages filmés qu’elle peut trouver sur la guerre de Tchétchénie. Son but ? Produire, le jour venu, devant un tribunal international la preuve en images des crimes commis par l’armée russe. Cinéaste suisse de grand talent, Eric Bergkraut l’a suivie en Tchétchénie, en Ingouchie, à Bruxelles ou à Zurich, dans son combat contre le cynisme russe et l’indifférence européenne. Il en a tiré un film poignant qui sort cette semaine à Paris. Quiconque s’intéresse un tant soit peu à la Tchétchénie sacrifiée ira le voir (1).
Les attaques terroristes de Moscou et de Beslan ont brouillé la perception du drame tchétchène. On croit que les kamikazes sont les principaux représentants de ce pays en lutte et qu’ils sont l’incarnation caucasienne de la terreur islamiste. L’affaire est autre. Si la Tchétchénie engendre le terrorisme, c’est par désespoir et non par fanatisme. Depuis dix ans, cette population rebelle qui pratique un islam tolérant subit une guerre coloniale de la pire espèce. La soldatesque russe se livre impunément à des exactions inhumaines, tuant femmes et enfants, torturant, mutilant, écrasant la résistance avec des méthodes atroces. Poutine proclame que la guerre est finie. L’Europe tétanisée reste silencieuse. Pour que cette guerre échappe à l’oubli, il faut aider Zainap, « la colombe de Tchétchénie ».
Laurent Joffrin, Le Nouvel Observateur, 10.05.06
FESTIVAL. Présenté lundi soir, le combat d’une femme tchétchène a soulevé l’émotion.
Les libertés se réfugient sur les écrans genevois.
On voudrait dire merci. Puis, aussitôt, demander pardon. Présenté lundi soir à Genève dans le cadre du Festival international du film sur les droits humains (FIFDH), Coca, la colombe de Tchétchénie, du réalisateur suisse Eric Bergkraut, a résumé mieux que tous les longs discours le rôle joué par les rapporteurs spéciaux des Nations unies et par la Commission des droits de l’homme de l’ONU en voie de disparition.
L’héroïne du film se nomme Zainap Gashaeva. Depuis des années, cette militante filme, pour le compte de son association «L’écho de la guerre», les atrocités commises dans son pays. Une caméra contre l’oubli, comme en témoigne la première séquence du documentaire: on y voit Zainap percer un mur à l’aide d’une pioche pour y dissimuler des cassettes dans l’espoir qu’elles serviront un jour de preuve. Pour un tribunal auquel personne, aujourd’hui, n’ose rêver tant la puissante Russie de Vladimir Poutine fait peur.
A Genève, Zainap Gashaeva est venue dans le passé rencontrer Andreas Gross, le parlementaire suisse nommé rapporteur de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sur le conflit tchétchène. Rude collision des images: d’un côté, l’album d’atroces photos de sévices subis par les Tchétchènes, tendus aux fonctionnaires internationaux du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme. De l’autre, le spectacle imperturbable, presque surréaliste, des eaux bleues du lac face au Palais Wilson. « J’ai la chance de vivre aujourd’hui dans un pays où les avions qui passent au-dessus de ma tête ne larguent pas de bombes, et où les rues ne sont pas minées », raconte devant la caméra un jeune réfugié tchétchène, aux prises avec l’administration suisse pour obtenir l’asile qu’on lui refuse. C’est le grand mérite du FIFDH que de nous livrer, sur grand écran, de tels moments de vérité.
Richard Werly, Le Temps, 15.03.2006
Les images qui nous parviennent de la Tchétchénie sont rares.
Celles qu’on voyait, lundi 8 mai sur Arte, sont terribles. Enlèvements, assassinats et tortures se poursuivent, dans l’indifférence presque générale, dans cette petite République du Caucase occupée par l’armée russe. Une femme, Sainap Gachaïeva, a créé une association, appelée Echo de la guerre, qui rassemble des photos et des vidéos sur les exactions commises par les troupes russes. Un jour, peut-être, pense-t-elle, ces faits seront jugés devant un tribunal international.
La Tchétchénie comptait un million d’habitants en 1994. Deux guerres plus tard, un cinquième peut-être de la population a péri. Des quartiers entiers de la capitale, Grozny, sont toujours en ruine.
Beaucoup de Tchétchènes vivent dans des camps de réfugiés installés dans les Républiques voisines. Ils craignent de revenir dans un pays ravagé qui s’est installé dans une sorte de guerre larvée où personne n’est en sécurité. Tous les trafics sont possibles.
Les soldats russes vendent leurs armes aux insurgés. Ils pratiquent les enlèvements contre rançon. Il faut payer même pour récupérer les cadavres, souvent affreusement mutilés. « Une nuit, à 3 heures du matin, on a frappé à la porte. Quelqu’un a dit, en russe — Ouvrez ! — Ils ont ouvert et quand ma belle-fille est arrivée, ils l’ont abattue devant son petit garçon », raconte une réfugiée.
Le documentaire suisse d’Erik Bergkraut suit les pas de Sainap Gachaïeva à Moscou où elle habite, en Tchétchénie où elle se rend souvent, et dans les capitales européennes qu’elle tente d’alerter sur la situation dans son pays. Cette femme de 52 ans, surnommée « la Colombe » dit qu’elle n’a plus peur, car elle a vu trop souvent la mort de près. Elle est née au Kazakhstan, où Staline avait fait déporter en 1944 toute la population tchétchène. Elle fait passer à l’étranger les vidéos montrant les horreurs de cette guerre.
Son amie, Zoura Bitieva, qui avait saisi la Cour européenne des droits de l’homme, à Strasbourg, a été assassinée en 2003 par les services secrets russes. Un père de famille qui avait porté plainte devant la même institution après l’enlèvement de son fils a disparu. Sainap Gachaïeva sait donc les risques qu’elle prend.
Dans cette guerre interminable, où les hommes ont été tués ou se cachent, il ne reste souvent que les femmes. Il y a les « veuves noires », ces terroristes entièrement voilées qu’on a vues lors des prises d’otages à Moscou ou des attentats-suicides. Mais il y a aussi des figures lumineuses comme cette « colombe ».
Dominique Dhombres, Le Monde, 09.05.06
Citizen Khodorkovsky
Dix ans dans les colonies pénitentiaires russes ont marqué Mikhaïl Khodorkovski mais n’ont pas réussi à lui faire perdre le moral : Le président russe Vladimir Poutine ne voit peut-être Vladimir Poutine ne voit peut-être plus aucune menace dans son ancien prisonnier politique. Khodorkovsky espère que Poutine se trompe complètement. Libéré de manière inattendue, Khodorkovski a quitté la Russie pour se rendre à l’étranger. libéré Khodorkovsky a quitté la prison avec une liberté intérieure plus forte, consacrant toute son énergie, ses idées et son pouvoir à la création d’une autre Russie – une Russie sans Poutine. Russie sans Poutine.
Le Continent K.
Avec ses livres insondables et énigmatiques, Kristof s’est établie comme un auteur européen majeur de la seconde moitié du 20e siècle. Son œuvre peut se lire comme une chronique de l’émigration et du déracinement. Les livres de Kristof soulignent souvent l’aspect grotesque de l’homme à la recherche du bonheur, d’ un bonheur perdu, à retrouver peut-etre en voyageant dans l’enfance.